Une étude européenne révèle que les centres de données spatiaux pourraient réduire leur empreinte carbone
Une étude européenne révolutionnaire a montré que le déploiement de centres de données dans l’espace pourrait potentiellement réduire leur empreinte carbone tout en restant économiquement viable. Cette approche innovante, explorée par le projet Advanced Space Cloud for European Net zero emission and Data sovereignty (ASCEND), offre une solution prometteuse aux préoccupations environnementales croissantes liées à la consommation d’énergie de l’industrie numérique.
Le projet ASCEND : Une vision pour un traitement des données durable
L’initiative ASCEND, dirigée par Thales Alenia Space, une coentreprise entre les géants de l’aérospatiale Thales et Leonardo, a achevé une étude de faisabilité de 16 mois financée par l’Union européenne. L’objectif principal du projet était d’évaluer l’impact environnemental des centres de données spatiaux par rapport à leurs homologues terrestres. Christophe Valorge, directeur technique de Thales Alenia Space, a souligné l’importance des résultats de l’étude : “Les résultats de l’étude Ascend confirment que le déploiement de centres de données dans l’espace pourrait transformer le paysage numérique européen, offrant une solution plus respectueuse de l’environnement et souveraine pour l’hébergement et le traitement des données”.
Le défi croissant des émissions des centres de données
L’urgence de s’attaquer aux émissions des centres de données est devenue de plus en plus évidente ces dernières années. Selon l’Agence internationale de l’énergie, les centres de données et les réseaux de transmission de données étaient responsables d’environ 0,9 % des émissions de gaz liées à l’énergie et de 0,6 % des émissions totales en 2020. Avec l’expansion rapide de l’intelligence artificielle et du cloud computing, ces chiffres devraient augmenter considérablement. La consommation mondiale d’électricité des centres de données devrait dépasser 1 000 térawattheures en 2026, soit à peu près l’équivalent de la consommation totale d’électricité du Japon. Cette augmentation de la demande d’énergie, associée aux besoins intensifs en eau pour le refroidissement des centres de données traditionnels, a incité les chercheurs et les leaders de l’industrie à explorer des solutions innovantes.
Les centres de données spatiaux : Une alternative durable
L’étude ASCEND propose un concept révolutionnaire : déployer des centres de données dans l’espace, alimentés par l’énergie solaire au-delà de l’atmosphère terrestre. Cette approche offre plusieurs avantages potentiels :
- Réduction de l’empreinte carbone : En exploitant l’énergie solaire dans l’espace, ces centres de données pourraient réduire considérablement leur dépendance aux sources d’énergie terrestres, dont beaucoup dépendent encore des combustibles fossiles.
- Élimination du refroidissement par eau : Les centres de données spatiaux n’auraient pas besoin d’eau pour le refroidissement, résolvant ainsi l’un des aspects les plus gourmands en ressources des opérations traditionnelles des centres de données.
- Contribution à la neutralité carbone : Le projet s’aligne sur l’objectif de l’Union européenne d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, offrant une voie vers un traitement et un stockage des données plus durables.
- Viabilité économique : L’étude suggère que les centres de données spatiaux pourraient générer un retour sur investissement de plusieurs milliards d’euros d’ici 2050, ce qui en fait une proposition attrayante tant sur le plan environnemental qu’économique.
Considérations techniques et défis
Bien que le concept de centres de données spatiaux soit prometteur, il s’accompagne de son propre ensemble de défis et de considérations techniques :
- Émissions de lancement : Pour réduire significativement les émissions de CO2 associées au traitement et au stockage des données numériques, l’étude indique la nécessité d’un nouveau lanceur avec des émissions dix fois plus faibles tout au long de son cycle de vie.
- Placement orbital : Les centres de données proposés orbiteraient à une altitude d’environ 1 400 kilomètres, nécessitant une planification et une gestion minutieuses pour assurer des performances optimales et une interférence minimale avec les réseaux de satellites existants.
- Production d’énergie : Les installations dépendraient entièrement de l’énergie solaire, nécessitant des systèmes d’énergie solaire avancés capables de générer suffisamment d’électricité pour répondre aux demandes des centres de données.
- Transmission des données : Des connexions Internet à haut débit basées sur les communications optiques seraient cruciales pour maintenir la connectivité entre les centres de données spatiaux et les stations au sol.
Perspectives de l’industrie et préoccupations
Bien que l’étude ASCEND ait suscité un intérêt significatif, les experts de l’industrie ont soulevé d’importantes questions et préoccupations :
- Maintenance et entretien : Elizabeth Linhart, une utilisatrice de LinkedIn, a souligné le défi de maintenir et de réparer les centres de données dans l’espace, mettant en évidence la nécessité de solutions innovantes pour résoudre les problèmes matériels.
- Besoins en carburant pour fusées : Michael Winterson, directeur général de l’European Data Centre Association, estime que même un petit centre de 1 mégawatt en orbite terrestre basse nécessiterait environ 280 000 kilogrammes de carburant pour fusée par an, coûtant environ 140 millions de dollars en 2030.
- Implications en matière de sécurité : Merima Dzanic, responsable de la stratégie et des opérations à la Danish Data Center Industry Association, a soulevé des inquiétudes concernant les risques de sécurité associés au placement de données sensibles dans l’espace, étant donné la politisation et la militarisation croissantes du domaine spatial.
- Applications spécialisées : Les experts suggèrent que les centres de données spatiaux pourraient être mieux adaptés à des applications spécifiques telles que les services militaires/de surveillance, de diffusion, de télécommunications et de trading financier, plutôt que comme un remplacement complet du marché des centres de données terrestres.
Le contexte plus large : L’IA et les solutions climatiques
L’exploration des centres de données spatiaux intervient à un moment où l’intelligence artificielle (IA) joue un rôle de plus en plus important dans les solutions climatiques. Les applications d’IA sont utilisées pour la surveillance de la faune, la détection des sols agricoles, le transport dans les villes intelligentes et la gestion des déchets alimentaires, entre autres initiatives environnementales. Cependant, les demandes croissantes en énergie des systèmes d’IA ont soulevé des inquiétudes quant à leur propre empreinte carbone. L’Union européenne prévoit que la consommation d’énergie liée à l’IA des centres de données européens augmentera de 28 % d’ici 2030, soulignant la nécessité d’approches innovantes pour un calcul durable.
Perspectives futures et orientations de recherche
Le projet ASCEND ne représente qu’une facette de la recherche en cours sur les solutions durables pour les centres de données. D’autres initiatives et entreprises explorent également des approches novatrices :
- Centres de données sous-marins de Microsoft : Microsoft a précédemment testé l’utilisation d’un centre de données sous-marin positionné à 117 pieds de profondeur sur le fond marin, démontrant la volonté de l’industrie d’explorer des environnements non conventionnels pour le traitement des données.
- Collaboration avec des entreprises spatiales : Des géants technologiques comme Microsoft s’associent à des entreprises telles que Loft Orbital pour étudier les défis et les opportunités de l’exécution de tâches d’IA et de calcul dans l’espace.
- Infrastructures spatiales modulaires : L’industrie spatiale européenne développe des technologies pour des infrastructures spatiales modulaires avec assemblage robotique, ce qui pourrait faciliter la construction et la maintenance des centres de données spatiaux.
- Systèmes d’alimentation avancés : La recherche sur les systèmes d’énergie solaire spatiale de niveau mégawatt est en cours, avec le potentiel de fournir l’énergie nécessaire aux centres de données spatiaux à grande échelle.
- Communications optiques : Les améliorations de la technologie de communication optique à haut débit sont cruciales pour assurer un transfert de données efficace entre les installations spatiales et les stations au sol.
Conclusion : Un pas vers une infrastructure numérique durable
Les résultats de l’étude ASCEND représentent une avancée significative dans la quête d’une infrastructure numérique durable. Bien que les centres de données spatiaux ne soient pas sans défis, ils offrent une vision convaincante pour réduire l’empreinte carbone du secteur numérique en rapide croissance.
Comme l’a noté Damien Dumestier, le chef de projet, la conclusion de l’étude de 16 mois était “très encourageante”. Cependant, il est clair que les centres de données spatiaux ne sont qu’une pièce d’un puzzle plus large pour aborder l’impact environnemental de la révolution numérique.Le succès de ce concept dépendra des progrès technologiques continus, en particulier dans des domaines tels que l’efficacité des véhicules de lancement, la production d’énergie solaire spatiale et la transmission de données à haute vitesse. De plus, une attention particulière doit être accordée à la viabilité économique, aux implications en matière de sécurité et aux cas d’utilisation spécifiques des centres de données spatiaux.
Alors que la communauté mondiale est aux prises avec le double défi de la transformation numérique et du changement climatique, des solutions innovantes comme les centres de données spatiaux pourraient jouer un rôle crucial dans la formation d’un avenir plus durable. Le projet ASCEND témoigne de la puissance de la collaboration interdisciplinaire et de la recherche prospective pour aborder certains des problèmes les plus pressants de notre époque.